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Christine Poitou Bernert, professeure de nutrition à la Pitié-Salpêtrière, au sein du Centre Spécialisé de l’Obésité Île de France Centre, travaille depuis plusieurs années sur ce questionnement. Elle coordonne le centre de référence (adulte) Maladies Rares, Syndrome de Prader-Willi et autres obésités de causes rares, comme les formes génétiques. C’est à la demande de ses confrères et de différents praticiens exerçant au sein de CSO, qu’elle et son équipe travaillent pour alimenter la recherche sur les obésités génétiques et ont notamment développé un outil pour faciliter le diagnostic par les professionnels de santé. Le but de ces recherches et de cet outil est d’améliorer d’année en année le diagnostic de l’obésité génétique afin de donner une réponse et un traitement plus adaptés aux personnes qui en souffrent.

Plusieurs types d’obésité

La plupart des obésités dites communes sont d’origine polygénique c’est-à-dire qu’il existe une prédisposition génétique à la prise de poids. On parle de polygénie car il y a une combinaison de variations dans plusieurs gènes. Ces cas-là présentent alors des polymorphismes et la contribution de ces gènes devient significative lorsqu’ils interagissent avec des facteurs externes tels que le déséquilibre énergétique.

« Un individu a deux à huit fois plus de risque d’être obèse si des membres de sa famille le sont eux-mêmes. »

Dans des formes plus rares d’obésité, un seul gène ou une région chromosomique est altéré. En revanche, ce gène a un impact majeur sur la prise de poids. En effet, son dysfonctionnement a un rôle direct dans la régulation de la balance énergétique au niveau central, ce qui impacte la régulation du comportement alimentaire et la dépense énergétique dès la naissance.

Focus sur les obésités génétiques

En ce qui concerne les formes plus rares d’obésité, la prise de poids survient dès l’enfance et peut être importante. Elle aboutit généralement à une obésité sévère et est associée à des troubles du comportement alimentaire.

De plus, d’autres signes peuvent parfois être mis en évidence, sous forme de syndrome,  par exemple des anomalies endocriniennes (défaut de croissance de la taille, retard pubertaire, hypogonadisme) et des troubles du neurodéveloppement (troubles du développement intellectuel, dans les interactions sociales ou du spectre de l’autisme par exemple).

« On n’a pas « screené » toute la population des personnes en obésité, […] mais dans les études disponibles […], on estime que ces obésités génétiques dites « rares » représentent 5 à 10 % des obésités de l’enfant. »

En ce qui concerne les obésités acquises à l’âge adulte, ce pourcentage serait beaucoup plus faible. C’est pourquoi le caractère précoce de l’obésité a son importance dans ce diagnostic et représente un signe majeur orientant vers une cause génétique.

« Toutes ces obésités génétiques, sont décrites dans un document publié sur le site de la HAS (Haute Autorité de Santé) en juillet 2021. C’est un Protocole National de Diagnostic et de Soins (PNDS)  pour les obésités de causes rares. Une synthèse au médecin traitant courte permet d’avoir un résumé des différentes étiologies et leurs prévalence et comment on fait le diagnostic et on les prend en charge. » mentionne le Professeur Poitou.

ObsGen, un outil numérique gratuit pour aider au diagnostic de l’obésité génétique

ObsGen est un outil disponible gratuitement sur internet. Créé par une équipe de spécialistes, c’est un formulaire avec des questions cliniques destiné aux médecins (généraliste, pédiatre, endocrinologue, chirurgien bariatrique…) qui se demandent, face à un patient en obésité, si celle-ci pourrait être une forme rare liée à l’altération d’un gène ou un syndrome.

Cet outil a été mis en place suite à de nombreuses sollicitations de confrères, de CSO qui, face à des situations de personnes avec une obésité sévère, associée à d’autres symptômes, se questionnaient sur une potentielle origine génétique. Plusieurs questionnements ont alors émergé sur la manière d’en faire le diagnostic génétique, sur les gènes à rechercher et les laboratoires où envoyer le prélèvement pour qu’il puisse être analysé correctement. Ainsi, le corps médical peut plus facilement s’appuyer sur l’expertise des centres de référence pour la prise en charge de ces patients.

Le Centre de Référence Maladies Rares PRADORT 

Syndrome de PRADer -Willi  et autres Obésités Rares avec Troubles du comportement alimentaire

Par ailleurs, les connaissances de ces obésités génétiques rares ont beaucoup évolué ces dernières années. Cela a permis de remarquer que la chirurgie bariatrique avait souvent de moins bons résultats pour les patients atteints d’obésité génétique. C’est pourquoi, de nouveaux traitements médicamenteux se développent pour cibler les anomalies fonctionnelles qui existent notamment dans les centres de régulation de la prise alimentaire.

Par conséquent, pour améliorer le diagnostic, notamment précocement, et pour guider la stratégie de prise en charge de ces patients, il était important d’aider les médecins moins spécialisés dans ce domaine des obésités génétiques rares à repérer les patients grâce à ObsGen afin de les orienter vers des centres spécialisés. De cette manière, le patient ayant été diagnostiqué génétiquement pourra bénéficier d’une prise en charge pluridisciplinaire tout au long de sa vie, d’un traitement spécifique et plus adapté à sa pathologie. Sur le long terme, cela permet également d’alimenter la recherche clinique en recensant les obésités génétiques, de développer l’innovation thérapeutique en générant de nouveaux traitements ainsi que de soutenir les familles et associations de patients.

ObsGen, comment ça marche ?

Le formulaire accessible en ligne est composé d’une trentaine de questions portant sur le début de l’obésité, sa sévérité, la présence de troubles du comportement alimentaire (TCA) ou de troubles du neurodéveloppement (TND), d’anomalies endocriniennes ou autres anomalies qui peuvent indiquer une origine génétique. Il faut prévoir environ 10 minutes pour remplir ce questionnaire à l’aide du dossier médical du patient.

Une fois entièrement complété avec l’accord oral du patient, l’outil génère une réponse et oriente vers un potentiel diagnostic, vers un groupe de pathologies (par exemple, une anomalie d’un gène situé dans la voie hypothalamique des mélanocortines) et propose un ou plusieurs laboratoires génétiques pouvant réaliser le diagnostic. De même, il proposer un centre clinique expert des maladies rares pouvant aider au diagnostic et à la prise en charge du patient concerné. Seules les coordonnées du médecin sont stockées sur le serveur (Nutriomics, SORBONNE UNIVERSITY/ INSERM), ce n’est pas un entrepôt de données de santé.

Une fois le test génétique réalisé, il faut compter 6 plusieurs mois pour obtenir les résultats (en moyenne 1 an). Si le test se révèle positif, le patient peut être orienté vers un centre de référence pour approfondir l’expertise, faire un phénotypage précis, discuter la stratégie thérapeutique et un éventuel essai thérapeutique et l’orienter vers une association de patients. Si le test est négatif, il est possible de contacter un médecin expert par mail ou téléphone, voire discuter le dossier en RCP, Réunion de Concertation Pluridisciplinaire, organisé en visio  par le Centre de Référence tous les 2 mois

Du contenu pédagogique d’informations sur les gènes et les nouvelles thérapeutiques sont également mis à disposition sur ObsGen, ainsi que le lien vers le PNDS, Protocole National de Diagnostic et de Soins.

Depuis son lancement en 2019, ObsGen a eu plus de 1500 connexions.

Dont 1000 personnes qui ont reçu une réponse par mail avec un PDF détaillé suite au remplissage du questionnaire.

« Nous prévoyons de faire une version 2 d’ici la fin de l’année (ndlr : 2021) car les avancées scientifiques ont pas mal avancé depuis 2 ans. Et aussi, on adapte le contenu des réponses à ce qu’on a publié dans le PNDS. On voudrait aussi donner un annuaire plus précis des différents laboratoires de génétique en France pouvant faire ce diagnostic génétique et les cliniciens répartis dans les différents CHU, au sein des Centres Spécialisés de l’Obésité ou des centres de compétence pour les obésités rares, dont je fais partie, et à qui un avis peut être demandé. Nous mettons en place des réunions de concertation pluridisciplinaire pour les cas les plus complexes … organisées par le centre de référence Maladies rares et obésités de causes rares. » indique Pr Poitou.

L’obésité génétique, quel impact dans la décision d’une chirurgie bariatrique ?

Avant d’envisager une chirurgie bariatrique, et face à une situation d’obésité complexe, sévère, précoce avec troubles du comportement alimentaire et d’autres anomalies, il est important de se poser la question d’une origine génétique de l’obésité. En effet, dans ce cas-là et suite à plusieurs travaux, la chirurgie va être moins efficace et dans certains cas, elle peut même aboutir à plus de complications. Il faut privilégier une prise en charge médicale telle qu’elle est décrite dans le PNDS.

En revanche, dans le cas où la chirurgie bariatrique a eu lieu et est en échec avec reprise de poids intégrale et troubles du comportement alimentaire, il est essentiel d’investiguer une origine génétique. En effet, les patients demandent souvent une deuxième intervention. Cependant, dans le cas d’une obésité génétique, la réponse appropriée ne sera pas forcément chirurgicale mais plutôt globale, comportementale voire médicamenteuse, à envisager en centre expert dans ce type de prise en charge.

ObsGen peut alors tout à fait être utilisé par les équipes de chirurgie bariatrique pour orienter le diagnostic et prendre contact avec les centres experts dans les obésités rares en cas de doute.

L’équipe au cœur de ce projet : Pr Christine Poitou, Flavien Jacques (Ingénieur informatique, NutriOmics INSERM), Pr Karine Clément, Pr Béatrice Dubern, CRMR SPW et apparentés, APHP Pitié-Salpêtrière et Trousseau, Unité de recherche NutriOmics (SORBONNE UNIVERSITY/ INSERM)

Collaborateurs : Maud Alligier  (coordinatrice réseau FORCE), Dr Johanne Le Bihan (Nutrigénétique, Pitié-Salpêtrière, Paris), Pr Maithé Tauber (CRMR SPW et apparentés, Toulouse)

Sources :

PNDS Obésités de causes rares

ObsGen

Formation ObsGen

Filière Nationale de Santé – Maladies rares du neurodéveloppement

Syndrome de Prader-Willi et autres syndromes avec troubles du comportement alimentaire (PRADORT)

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